LES JUIFS DE PAOLI

Pascal Paoli

Les juifs bienvenus en Corse

 » Entre 1750 et 1769, Pasquale Paoli avait fait venir des Juifs du nord de l’Italie pour revitaliser l’Ile suite à 400 ans d’occupation Génoise, déclarant « Les Juifs ont les mêmes droits que les Corses puisqu’ils partagent le même sort ». Paoli agissait en homme convaincu des Lumières, accordant aux Juifs comme aux Corses l’égalité des droits au motif qu’ils étaient des hommes.

Le 26 juin 1760 Paoli écrit à Domenicu Rivarola, consul du Piémont, de prendre langue avec des « rabbins accrédités » et lui dit « si les juifs voulaient s’établir parmi nous, nous leurs accorderions la naturalisation et les privilèges pour se gouverner avec leurs propres lois, parlez–en à quelque rabbin accrédité » [1] et dit « si les juifs voulaient s’établir parmi nous, nous leurs accorderions la naturalisation et les privilèges pour se gouverner avec leur propres lois, parlez–en à quelque rabbin accrédité ». Mais on ignore les détails de cet accord passé avec le consul de Piémont à Livourne, Antonio Rivarola, fils de Domenico, ancien chef de la révolte corse, au service du Piémont au moment de la guerre de succession d’Autriche. On sait par ailleurs que Paoli a passé un accord semblable avec des entrepreneurs français au moment de la guerre de sept ans (1756-1763), pour l’exploitation des forêts.

James Crisp, ambassadeur des commerçants anglais à Livourne en 1760 confirme le monopole des juifs sur le corail à Livourne seconde ville séfarade d’Europe après Amsterdam. Il affirme qu’« on y trouve des Turcs, des Levantins, des Français, Vénitiens, Génois, Corses, Grecs, Arméniens, Napolitains », les Juifs contrôlent un tiers des établissements de la ville observe-t-il et il ajoute que ceux-ci commercent les diamants de Goa avec les Hindous en Inde[5] et aussi le corail « qui est péché en Corse par des pécheurs napolitains et autres, complètement aux mains des juifs… un commerce très lucratif »[6].

Quand 600 juifs (120 familles) sont arrivés à Ile-Rousse en Corse en 1767 grâce à Pascal Paoli ! en voici la preuve

Paoli fonda le port de l’Ile-Rousse, à partir de 1767 en concurrence avec Calvi resté fidèle à Gênes. On trouvait dans la correspondance de Paoli en 1763 la mention d’un Juif nommé Modigliani[2] parmi les premiers habitants de la cité d’Ile Rousse en 1763, qui demandait à bénéficier du même droit de vote que les habitants nationaux selon la promesse de Paoli. Paoli était favorable à sa requête…et proposait d’installer toute une colonie juive dans l’île.[3]

Et il ajouta à cette occasion :

« La liberté en Corse ne confesse pas et ne consulte pas l’Inquisition ».

En 1767 Paoli autorise les Juifs de Livourne à pêcher le corail sur les côtes corses. Par cet accord sur le corail le « Père de la Nation » corse compte sur les Juifs et sur l’appui de l’Angleterre pour développer l’économie portuaire et commerciale de la Corse et pour l’aider militairement.

Boswel, un ami anglais de Paoli écrit en 1769 dans sa Relation de l’Isle de Corse, journal d’un voyage dans cette isle, et mémoires de Pascal Paoli (pg. 120) décrit l’échange de corail corse contre des armes avec les juifs de Livourne [4] :

Boswell 2

Cet échange de corail contre des armes réalisées par des Juifs de la péninsule italienne n’est pas nouvelle. Des canons juifs fabriqués dans le
Ghetto de Lerici  près de la Spezia (Ligurie) à une vingtaine de kilomètre de Massa (On se rappelle que Pietro Massa est le fondateur de Ventimiglia la Nuova-Porto Vecchio en 1569) sont arrivés en Corse dés la Renaissance
en 1507 et en 1508 
.(voir ici )

Paoli suit en cela Théodore roi de Corse et ami de son père Hyacinthe qui, comme lui, rêvait de faire de la Corse une market-place méditerranéenne grâce aux juifs, comme ils l’avaient vu à Livourne devenu un port franc à la fin du XVIè siècle, où se réfugièrent les révoltés corses.

Mais jusque-là on ignorait combien de personnes étaient arrivées à Ile-Rousse. Et d’où ils venaient. Un de mes fidèles lecteurs m’a mis sur la piste d’un document inconnu du samedi 17 octobre 1767 dans The London Chronicle. Pour la petite histoire le Roi Théodore est mort dans le plus complet dénuement le 11 décembre 1756 dans le quartier de Soho chez un artisan juif de Londres, et Pascal Paoli y a passé la moitié de sa vie au 77 South Audkley Street avant d’y mourir en 1807, à l’âge de 81 ans.

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Voici ce que dit The London Chronicle ce samedi 17 octobre 1767 :

« Ils écrivent de Barcelone que plus de 120 familles juives avec leurs affaires, pour la plupart très riches ont embarqué tardivement sur des felouques française (bateaux à voile) et espagnoles pour l’île de Corse.

Par lettres de Livourne, on recommande aux juifs du Levant [NDA : sépharades du Bassin méditerranéen oriental : ottomans, balkans, syriens, libanais, israéliens, égyptiens] offrent en cadeau gratuit un million de florins au Général Pascal Paoli à conditions de circuler à cheval sur l’île, mais on ne sait pas si cette proposition a été acceptée »

Une lettre de New Providence mentionne que les Espagnols ont pris un port de cette île sur la côte et ont fait du commerce principalement à Puerto Pio, près de Carthagène (Murcie-Espagne), et le navire et la cargaison ont été condamnés »

120 familles de l’époque correspondent à une population de 5 personnes en moyenne, cela fait 600 personnes qui ont débarqué à l’Île Rousse. Que sont-elles devenues ?

On sait que le 4 juillet 1568 Gênes donna la Corse à la France et que le Traité de Versailles du 15 mai 1768 interdit « Que jamais la Corse ne puisse devenir souveraine et indépendante ni posséder aucune place ou un établissement maritime qui puisse porter préjudice à la navigation » (Graziani, ibid.) ; Les juifs (probablement espagnols) d’Ile Rousse (et les Corses !) sont-ils passé par pertes et profits de cette histoire ?

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Paragraphe

[1] source : Graziani, Pascal Paoli : Père de la patrie corse, Taillandier 2002

[1] Source : Marie-Madeleine Graziani, Archives départementales de Corse-du-Sud.

[2] Une lettre à Salvini du 8 novembre 1763.

[3] Antoine-Marie Graziani, Pascal Paoli: « Père de la patrie corse », Tallandier, Paris, 2002.

[4] James Boswell, Relation de l’isle de Corse, journal d’un voyage dans cette isle et mémoires de Pascal Paoli, éd. 1769, pg. 120.

[5] avec les juifs portugais de Lisbonne qui travaillaient aussi avec des Nouveaux Chrétiens réapandus sur tout le continent sud américain, à Rio de Janeiro, au Pérou, …

[6] Linda Colley, The Ordeal of Elizabeth Marsh: A Woman in World History, Knopf Doubleday Publishing, Pantheon, New York, 2007.